29/10/2020 0 Commentaires
Les politiques cadeaux et invitations selon l’AFA : quelles bonnes pratiques ?
Après avoir opéré à une consultation des entreprises, l'AFA a publié, le 11 septembre 2020, un guide pratique sur la politique cadeaux et invitations dans les entreprises, les EPIC, les associations et les fondations. Dans ce cadre, elle leur recommande la mise en œuvre d’une politique cadeaux afin d’aider à distinguer courtoisie d’affaires et corruption. Parmi les bonnes pratiques préconisées par l’AFA, on trouve notamment la mise en place d’un registre et d’un système de déclaration, le développement d’un outil informatique dédié, ou encore la mutualisation des cadeaux. Sur l’encadrement des montants, l’AFA formule plusieurs possibilités, tels que l’existence d’un seuil d’acceptation ou de déclaration.
Offrir ou recevoir des cadeaux ou des invitations à l’occasion d’un évènement est une pratique commune dans la vie des affaires. Néanmoins, la vigilance doit être de mise. En effet, il peut arriver qu’un cadeau ou une invitation soit offert pour favoriser l’obtention d’un avantage indu. Si tel est le cas, le cadeau ou l’invitation peut être un fait constitutif d’une infraction de corruption ou encore d’autres infractions pénales – abus de confiance ou abus de biens sociaux, entre autres (1).
Pour aider les organisations, l’AFA propose à travers son guide un inventaire de bonnes pratiques et de recommandations à mettre en œuvre afin que cadeaux et invitations ne puissent en aucun cas rimer avec risques de corruption.
La procédure interne
L’absence de politique interne sur le sujet des cadeaux et invitations ne constitue pas à elle seule un manquement à la loi Sapin 2, cependant l’AFA recommande de définir les conditions dans lesquelles offrir ou recevoir des cadeaux et invitations, par le biais d’une procédure interne propre à l’organisation (2). Cette procédure aura pour effet de réguler l’octroi de cadeaux ou d’invitations à une tierce partie et de limiter ainsi les risques de corruption pouvant être induits par cet usage.
Afin de définir les règles applicables au sein de l’organisation, les rendre opposables et prendre en compte les questions que pourraient se poser les collaborateurs, il est important de définir les notions de cadeaux et invitations au sein d’une procédure interne, ainsi que les conditions applicables à leur octroi.
Cette procédure doit être « suffisamment précise et illustrée d’exemples pertinents pour être comprise des personnes auxquelles elle s’applique. » (3)
Il s’agit notamment d’illustrer concrètement la nature des cadeaux qui sont acceptés au sein de l’organisation et les réflexes à adopter par chaque collaborateur.
La question de l’encadrement du montant du cadeau et de l’invitation est également primordiale. Ainsi, les entreprises peuvent choisir de :
- D’encadrer les cadeaux et invitations selon deux modalités :
− laisser à la discrétion de toute personne la décision d’accepter ou de refuser un cadeau ou une invitation : cette modalité peut être accompagnée par une déclaration obligatoire au supérieur hiérarchique ou toute autre personne identifiée à cet effet pour les cadeaux dépassant un certain seuil,
− faire valider systématiquement par le supérieur hiérarchique ou toute autre personne désignée à cet effet : la déclaration du cadeau ou de l’invitation est alors toujours obligatoire ;
- Interdire ni plus ni moins l’offre et l’octroi de tout cadeau et invitation. Il s’agit de la solution la plus radicale, que quelques entreprises, dont certaines ont pu faire l’objet d’enquêtes, voire de sanctions, ont adoptées.
L’AFA mentionne une liste de critères aidant à distinguer la courtoisie d’affaires de l’acte de corruption. L’objectif est de reconnaître si le bénéficiaire du cadeau ou de l’invitation est susceptible ou non d’exercer un pouvoir de décision, au moment de la réception du cadeau ou de l’invitation, sur un contrat, une licence, une autorisation réglementaire ou encore un appel d’offres en cours.
Quels que soient les principes retenus par l’entreprise, l’AFA recommande de favoriser les cadeaux d’une valeur nominale, c’est-à-dire d’une valeur suffisamment faible pour ne pas être perçus comme une tentative de corruption. Il peut s’agir, par exemple, de cadeaux dotés du logo de l’organisation.
Autre bonne pratique, la réconciliation des déclarations des cadeaux et invitations de l’organisation avec les registres comptables correspondants permet de garantir la transparence et le traçabilité complète de ces opérations.
La politique cadeaux et invitations de l’entreprise doit être déterminée en cohérence avec la cartographie et constitue un instrument de maîtrise du risque de corruption que représente les offres, sollicitations ou acceptations des cadeaux et invitations.
La politique doit également s’articuler avec le Code de conduite, soit en annexe, soit en la mentionnant, et les autres procédures internes.
Le registre
Le guide recommande fortement de tracer dans un registre les cadeaux et invitations reçus et éventuellement ceux offerts. L’AFA incite à la mise en place d’un système de déclaration et d’enregistrement des cadeaux et invitations afin de garantir la traçabilité de ces opérations.
En fonction de la volumétrie des cadeaux et invitations, il est conseillé de développer un outil informatique dédié, permettant d’améliorer la traçabilité de ces opérations : un tel outil est particulièrement utile si l’entreprise a choisi la solution du système de seuil, au-delà duquel l’autorisation du supérieur hiérarchique, du responsable conformité ou de toute personne désignée à cet effet est nécessaire. Il est également très utile pour permettre d’apporter la preuve du suivi des cadeaux et invitations au sein de l’organisation. Plusieurs outils digitaux ont d’ailleurs été développés par des sociétés spécialisées, qui peuvent être utilement customisés pour répondre plus spécifiquement aux besoins et à la gouvernance de chaque organisation.
L’existence d’un registre favorise la mise en œuvre d’une autre bonne pratique évoquée : la réconciliation des déclarations des cadeaux et invitations de l’organisation avec les données des systèmes d’enregistrement comptables.
La sensibilisation
Bien entendu, on trouve parmi les bonnes pratiques évoquées dans le guide de l’AFA la sensibilisation des collaborateurs sur les mesures mises en place au sujet des cadeaux et invitations au sein de l’organisation : registre de déclaration, validation par la hiérarchie ou refus des cadeaux au-delà d’un certain seuil, mutualisation des cadeaux reçus, etc.
Seule une sensibilisation régulière permettra de développer la conscience des risques de corruption que peuvent générer les cadeaux et invitations dans certaines situations, de faire connaître la procédure interne applicable, de favoriser l’utilisation de l’outil mis en place et ainsi de développer la culture conformité de l’organisation.
La sensibilisation est aussi l’occasion de donner des exemples concrets, de répondre aux questions des collaborateurs et de proposer des solutions pragmatiques. Par exemple, que faire d’un cadeau déjà accepté ne répondant pas aux critères fixés par l’organisation et qui ne peut être retourné ?
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(1)L’abus de confiance est un délit prévu à l’article 314 du code pénal. L’abus de bien sociaux est quant à lui un délit applicable aux dirigeants des sociétés par action et prévu dans le code de commerce.
(2)Agence Française Anticorruption, Sous-direction du conseil, de l’analyse stratégique et des affaires internationales, Guide pratique : La politique cadeaux et invitations dans les entreprises, les EPIC, les associations et les fondations, 11 septembre 2020
(3)< https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/files/files/2019-06-21-Guide%20pratique%20Cadeaux-VCS.PDF >
Id., page 7
Cet article a été rédigé par le cabinet Proetic, en collaboration avec les étudiants du Master Droit et Ethiques des Affaires de l’Université de Cergy-Pontoise (Nicolas Fleck & Medhi Si Djelloul)
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